J’ai eu l’honneur d’ouvrir la conférence finale européenne organisée par l’Ecole Nationale de la Magistrature sur le thème de « la réponse judiciaire au terrorisme au regard de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne » qui s’est tenue les 12 et 13 avril à l’Assemblée Nationale.
Cette conférence a réuni 200 magistrats européens pour aborder la question complexe de la lutte contre la menace terroriste et le respect des droits fondamentaux.
En introduction de cet évènement inédit, j’ai notamment rappelé les tragiques évènements qui ont frappé les peuples européens, le cadre juridique posé par la France pour doter les forces de renseignements, de sécurité et le pouvoir judicaire d’outils efficaces et respectueux des libertés individuelles :
“Face à cette situation, les réponses de nos états de droit doivent être fortes et proportionnées, mesurées entre une absolue nécessité de lutter pour assurer la sécurité de nos concitoyens, tout autant que garantir le parfait exercice des libertés collectives et individuelles.
C’est dans cette ambition que le pouvoir judiciaire prend, plus que jamais, toute sa place.
Mais elle s’exerce dans un cadre de fortes contradictions, tout particulièrement ressenties ici, au siège de la représentation nationale.
S’y rajoutent, dans cette période, en France, les risques non négligeables d’amalgame avec le droit d’asile et l’immigration, tout autant que de stigmatisation de communautés, de races, de religions…autant de facteurs aptes à alimenter les populismes les fausses réponses.
La France, dans ce contexte, a cherché le meilleur équilibre possible entre efficacité de la lutte contre le terrorisme et préservation absolue de l’état de droit, des libertés individuelles. Elle s’est appuyée, bien évidemment, sur sa loi fondamentale et son contrôle constitutionnel, mais s’est attachée à la conformité au droit international et de l’Union Européenne, en particulier à celui de la convention européenne des droits de l’homme.
C’est ainsi que l’état d’urgence a été décrété au lendemain des attentats du Bataclan. Il s’agissait de répondre à une sidération nationale, de rassurer une population meurtrie, de donner immédiatement, à nos forces de renseignement et de sécurité, des moyens renforcés d’action.
Cet état d’urgence, inspiré d’une loi de 1955 régulièrement améliorée et adaptée aux circonstances nouvelles, a été prorogé à 6 reprises pendant une durée de 2 ans.
Il n’était pas question, à cet égard, de maintenir plus longtemps, notre état de droit dans une situation d’exception. Il y a donc été mis fin
Mais parce qu’il n’était pas, non plus, envisageable de ne pas tirer les conséquences de la situation de danger dans laquelle nous nous trouvons, une loi du 30 octobre 2017 est venue transférer dans notre droit commun quelques dispositions (en fait, au principal 4, les périmètres de protection, le contrôle des lieux de cultes, les mesures de surveillance individuelles, les visites et saisies) renforçant notre arsenal juridique de lutte.
Ces mesures font pleinement appel au contrôle du juge, au premier rang desquels le juge judiciaire, garant des libertés individuelles mais n’excluent pas, non plus, le rôle du juge administratif, lui aussi protecteur des libertés fondamentales.
C’est, me semble-t-il, tout l’intérêt de votre conférence finale. Celui de mesurer la portée de l’action de justice dans ce contexte précis tout autant que dans ses perspectives de long terme, d’en confronter le cadre aux droits fondamentaux de l’union européenne, d’aider les pouvoirs nationaux à apporter des réponses efficaces, coordonnées et garantes de l’état de droit, des libertés fondamentales auxquelles nous sommes tellement attachées ».
Deux jours d’échanges nourris qui se sont conclus par table ronde d’exception réunissant 4 des plus importants Procureurs européens anti-terroristes, Jesus ALONSO pour l’Espagne, Federico CAFIERO DE RAHO pour l’Italie, François MOLINS pour la France, et Frédéric VAN LEEUW pour la Belgique.